M’entendre dire que j’étais HP, à 45 ans, était pour moi une grosse blague car je me trouvais plutôt nulle.
Si j’avais été HP, donc intelligente, j’aurais pu être quelqu’un « de bien » (comprenez avec un travail super intéressant, super dynamisant par exemple et super riche peut-être).
Enfant, et selon mes parents, je parlais comme une adulte à 2 ans déjà. A l’école, ils m’avaient toujours laissé faire mes devoirs sans jamais juger mes résultats ni me mettre la pression. Y voyant à l’époque une forme de manque d’intérêt et de temps à me consacrer, je ne peux aujourd’hui que leur dire un grand merci car j’ai appris à mon rythme, en me nourrissant ailleurs si l’école ne me satisfaisait pas et, j’ai surtout appris à faire ce qui me faisait envie.
Faire ce qui me faisait envie…. Gros problème pour mes parents qui ont eu beaucoup de peine à cadrer la rebelle que j’étais et que je suis toujours. En fait, à l’école comme dans la plupart de mes études je travaillais très peu, juste ce qu’il fallait pour passer mes examens ou en passant quelques soirées dans mes livres pour éviter de refaire une année.
Après quelques temps, la grosse blague du début s’est colorée de tons inattendus, de découvertes sur mon propre fonctionnement, d’une compréhension du décalage douloureux dans lequel je me sentais si souvent. J’ai tout d’abord découvert qu’une personne HP n’est pas plus intelligente que les autres et c’est tant mieux car les tests de QI n’ont jamais vraiment été significatifs à mes yeux.
J’ai aussi découvert que mon besoin d’informations à outrance et ma vitesse d’analyse n’étaient pas partagés et j’ai ainsi compris l’origine de mon incompréhension et de mon impatience à l’égard de ceux qui m’entouraient, mes collègues par exemple.
J’étais quasiment en permanence dans une sorte de faille spatio-temporelle sans vrais repères communs. Cet état pouvait provoquer un sentiment de solitude et de tristesse, voire pire encore.
Lorsque, dans certains colloques, j’entendais des idées de projets novateurs je ne pouvais m’empêcher de penser « mais c’est exactement ce que je vous avais dit il y a fort longtemps, vous n’aviez pas voulu de ma proposition et je ne m’étais pas sentie reconnue. » Je provoquais alors mes supérieurs tout comme, durant mes études, je provoquais mes profs.
Cela a aussi expliqué mon besoin extrême de connaître le SENS afin d’être en accord avec lui.
J’ai également repéré un autre élément, et non des moindre: mon hypersensibilité (à ne pas confondre avec la sensiblerie) car je peux vibrer au « moindre murmure du monde » comme le dit si joliment Jeanne Siaud-Facchin dans l’émission « dans la tête de… » Eh oui, dans des moments de grandes déprimes, il m’est arrivé de pleurer à l’arrivée d’une course de ski de fond (le pire cauchemar de mes camps de ski) ou devant un reportage sur la remontée des saumons qui vont se reproduire sur le lieu de naissance.
Mes émotions restent encore fortes, mon sentiment d’injustice l’est tout autant, mais j’ai appris la modération, l’acceptation même si parfois les larmes sont toujours là.
J’aime toucher à tout, je m’intéresse, je suis curieuse mais je ne vais jamais vraiment au bout des choses. J’admire les passionnés qui peuvent vous parler en détail des bienfaits des pierres, des oiseaux, de musique, de la littérature, du cinéma et j’en passe. J’aurais voulu être moins paresseuse et m’impliquer davantage dans l’apprentissage de la musique ou du théâtre.
Forte de ce bilan, j’ai pris l’option d’apprendre à aimer qui je suis, ma manière de fonctionner et à en rire souvent.
Les « autres », je ne les juge plus, je tente d’aller à leur rythme, de prendre mon mal en patience. Je me ressource ailleurs dans la peinture, le jardinage, l’artisanat, la nature. J’apprends à aimer l’ici et maintenant sans essayer de trop me projeter dans des lendemains de toute manière incontrôlables. Je veux vivre avec mes doutes et certaines de mes peurs car elles me nourrissent, me permettent d’avancer, de me surpasser.
Le seul et unique message que j’aimerais faire passer ici est que je suis une humaine avant tout et que le statut de HP ne fait pas partie de mon CV mais je dois en tenir compte pour comprendre le monde qui m’entoure… vaste et permanent projet…..
J’ai l’impression que vous parlez de moi. Ou plutôt que vous avez écrit ce que j’ai vécu et vis encore. J’ai 48 ans et je viens d’apprendre que je suis zébrée. Tout s’explique.